Il faut donner le temps au temps. C’est un grand maître qui révèle
tout. Le temps balaye les imposteurs et confirme les gens authentiques. Le
temps développe la persévérance, celle qui nous fait oublier pourquoi un défi
serait démesuré par une multitude d’embuches qui nous empêcherait de réaliser
notre rêve. Le temps nous enseigne aussi que les obstacles sont des choses que
l’on perçoit quand on perd de vue l’objectif. Le temps fait son œuvre et l’expérience
recueillie nous révèle que les seules limites à nos réalisations sont celles
que nous nous imposons.
Il y a un an presque jour pour jour, nous entamions la
dernière phase d’une planification qui était tellement importante pour nous,
que nous ne voulions pas la confier à quelqu’un qui ne réaliserait pas l’investissement
affectif que nous y avions mis au cours des trois dernières années. Nous étions
à la recherche d’un entrepreneur honnête, ouvert à nos idées sur la
construction écologique, attentif aux exigences sévères de la certification
LEED v4 Niveau platine que nous convoitions et il fallait qu’il soit
patient. Je dis patient parce que nous sommes la deuxième construction
domiciliaire de ce genre au Canada et au Québec. Nous n’étions pas une
corporation qui se lançait dans un projet vert, mais bel et bien Môman et Pôpa
qui osaient rêver en grand avec un projet de retraite bien mijoté, muri par des
formations professionnelles, des heures innombrables à dessiner des plans par
mon conjoint, des recherches qui ne semblaient jamais finir et une courbe
d’apprentissage tellement aiguë qu’une fois le point de bascule rejoint, nous
étions soulagés par le nouvel élan vers la prochaine étape. Il nous fallait un entrepreneur avec une capacité d’écoute
phénoménale, car autant nous utilisions des notes de construction volumineuses
pour étaler nos exigences, autant que nous soulevions des questions au fur et à
mesure de nos constats journaliers. Nous avions une bonne équipe de conception
avec l’architecte Anabelle Arsenault de Tergos, des ingénieurs-conseils en la
matière avec Benjamin Zizi et Denis Boyer, un mentorat exceptionnel avec
Emmanuel Cosgrove d’Écohabitation. Néanmoins, nous nous aventurions dans un
territoire nouveau, la construction d’une maison unique en son genre et du
jamais vu dans Charlevoix. Il fallait donc trouver un entrepreneur aussi chevronné
que nos rêves. Les planètes se sont alignées et le cosmos a répondu à notre
demande. Ce billet veut rendre hommage à Normand Duchesne, entrepreneur et propriétaire de
Niveautech, situé à Saint-Irénée. C’est un nom que nous avons entendu maintes
fois avant de rencontrer l’homme dont la réputation était plus qu’élogieuse. C’est toute une communauté qui l'appuie.
Un jour que nous étions à la Caisse populaire de
Saint-Irénée, j’ai fait le commentaire que leurs portes étaient très belles. La
caissière sans broncher répondit : c’est Normand. C'est une expression que nous avons entendu souvent. De plus en plus dans nos
échanges dans Charlevoix, lorsque nous demandions qui avait fait l’ouvrage dont la qualité nous impressionnait, le
même nom ne faisait que résonner. Le tout a été scellé quand nous faisions une promenade
sur notre chemin au Ruisseau-Jureux et regardions les maisons voisines. Nous
faisions connaissance avec nos voisins et par la force des choses, on jasait de
construction. Inévitablement, on leur demandait l’entrepreneur de leur maison
fait sur mesure et c’était encore Normand Duchesne avec sa compagnie Niveautech.
Ses références étaient impeccables. On ne pouvait pas demander mieux. Donc, armés
avec le courage de deux novices qui se croyaient chevronnés, nous avons
rencontré Norman pour lui parler de notre projet. Nous avions le
terrain, mais notre maison dans l’Outaouais n’était pas encore vendue. Pendant
les 22 mois qu’il a fallu pour vendre la maison, Normand a écouté notre
discours sur la construction écologique, il a visité le terrain à maintes reprises et il nous a
impressionnés par sa patience interminable. Pendant ce temps, il nous donnait
toujours l’heure juste sans rien exiger. Il était évident pour nous que Normand
respectait ses clients et qu’il serait en mesure de nous aider à réaliser notre
rêve. Nous savions que cette association nous apporterait une relation
professionnelle et personnelle enrichissante. Finalement le grand jour arriva et
nous signions notre entente hybride d’autoconstruction. Pierre serait le gestionnaire
du projet LEEDv4, je ferais l’administration financière et Normand bâtirait la maison
en vue d’obtenir la certification LEEDv4.


Nos travaux débutèrent à l’automne 2016 après avoir emménagé
dans une maison de location aux Éboulements. Lorsque les travaux d’envergures
ont commencé, nous avions l’impression que le temps s’évaporait aussi
rapidement que les brumes automnales. L’équipe de Normand avec le
concours des sous-traitants spécialisés s’acharnait pour compléter la première
phase de la construction avant les balbutiements de l’hiver. Une fois les murs
et la toiture de la maison érigés, les hommes pourraient travailler à
l’intérieur, du moins, c’est ce que je pensais. Autant que le mois d’octobre
nous eût cajolés avec ses températures favorables, novembre nous coupa le
souffle avec ses vents venant du large mettant en péril les murs préfabriqués
en usine. La journée la plus dramatique fut lorsque le grutier balançait les
murs au bout de son câble que le vent basculait allègrement. Normand et son
équipe solidifiaient les murs et la charpente du toit une fois installé sur la
fondation.
C’est en décembre avec son froid sibérien que Normand et ses
hommes posèrent la toiture en acier.
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Normand (casque blanc) explique la stratégie avec son équipe |
Quand vint le temps de l’installation des fenêtres,
nos ouvriers firent équipe avec les Suisses qui venaient livrer nos fenêtres
importées d’Autriche. Pendant une semaine, ils ont tous travaillé ensemble,
fusionnant deux cultures de construction bien différentes pour atteindre le
but. Le froid imperturbable avait anéanti la technologie. Nous avions près de
8700 livres de fenêtres à soulever et le froid empêchait la robotique de
fonctionner pour soulever les fenêtres. Les hommes se sont donc mis à le faire
manuellement. La plus lourde, une de nos lucarnes dans la cuisine, pesait 800
livres et fut montée à la main, jusqu’au haut de l’échafaud. Je ne pouvais pas
croire qu’on pouvait travailler dans des conditions climatiques aussi
exigeantes. Le mercure plongeait à des -34 et les hommes persévéraient, penchés
sur le travail à faire. C’est le froid qui dictait l’échéancier et les vacances
de Noel approchaient.
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Pierre avec son fidèle tracteur John Deere surnommé Papoute |
Quand vint la neige, le défi venait de monter un cran. Tôt
le matin, nous nous levions à 4 h 30 pour préparer notre journée pour
nous assurer que le matériel serait disponible pour les travailleurs et pour
préparer le site extérieur. Pierre démarrait Papoute, notre fidèle tracteur John
Deere et déblayait le chemin et les aires de stationnement et de travail. Il
fallait accommoder les travailleurs avec leurs véhicules et les camions de
livraison. Je pelletais la neige autour des échafauds et le périmètre de la
maison. Ensuite, je retournais aux Éboulements pour préparer quelque chose de
chaud dans la mijoteuse pour les hommes le midi. C’était la moindre des choses.
Nous tenions à exprimer notre reconnaissance, car souvent les ouvriers lâchaient
leurs outils pour venir nous aider à déblayer. C’était un vrai travail d’équipe.
Normand était toujours au-devant de toutes les démarches
et agissait comme liaison entre les ouvriers et les fournisseurs. Ces conseils
ponctuels ont facilité la tâche de Pierre qui devait s’assurer que l’approvisionnement
et les échéanciers fonctionnent. Lorsque j’avais des questions ou des
inquiétudes, Normand avait toujours la réponse qui me rassurait et il s’exécutait rapidement.
C’est un homme qui réfléchit avec un focus rapide et qui est en mesure de
puiser sur son expérience pour trouver des solutions réalistes. Il maintient un
esprit ouvert et s’adapte rapidement aux changements, surtout lorsqu’il intègre
un nouveau matériel de construction. Son ouverture d’esprit inspirait son
équipe et nous rassurait. En tout temps, nous savions que nous pouvions compter
sur lui et qu’il ne nous laisserait pas tomber.
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Normand à l'œuvre l'autre côté de la fenêtre dans le froid sibérien |
Normand est un homme attentif
et très généreux. Un jour d’hiver particulièrement froid, je me souviens en
entrant au village d’avoir vu Normand en train d’ériger une aire de pratique de
hockey pour son fils Rémi. Ça ne faisait que valider ce que nous savions déjà
de Normand, c'est un homme au grand cœur qui n’hésite pas de faire la bonne chose malgré les défis
inhérents à la tâche.
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Normand discute la finition sur mesure pour l'intérieur. |
Les semaines qui allaient venir annonçaient de nouvelles
étapes pointilleuses pour respecter les normes de LEED. Pendant que Pierre
faisait ses recherches, courrait pour des fournisseurs et répondait aux questions
des sous-traitants, Normand agissait comme une liaison efficace en redirigeant
parfois nos requêtes, utilisant son réseau de professionnels et surtout, en
validant nos démarches au niveau de la construction. Nous avions le nez collé à
la ligne de temps du projet pour préparer la maison pour les séries d’inspections
environnementales, écologiques et les tests des ingénieurs. Nos victoires
étaient leurs victoires, nos défis étaient leurs défis. La synergie existait,
car c’était un bon chantier. Nous avons reçu des visiteurs entre autres, de
présidents et vice-présidents des compagnies de nos fournisseurs qui voulaient
voir l’application en temps réel de leurs produits. Nous les rencontrions pour
parler de notre expérience. Normand contribuait aux échanges avec des renseignements sur l’application et l’exécution des travaux. Lors des tests des
ingénieurs, il était disponible pour répondre à leurs questions et surtout
préparer la maison pour l’inspection.

Au fur et à mesure que les travaux avançaient, la
technologie spécifique pour la performance écologique et écoénergétique, les
matériaux, les méthodes de travail et les consultations avec de tierces parties
devenaient de plus en plus exigeants. Pour obtenir la certification LEEDv4 Niveau Platine,
tout est obligatoire. Il n’y a pas de compromis. Lorsque les sous-traitants
arrivaient, Pierre les mettait à la page pour s’assurer que les normes étaient
respectées et que les notes de construction étaient respectées. Pour plusieurs
sous-traitants, c’était la première expérience avec LEED. Ce qui a rendu la
tâche plus facile est que Norman nous avait recommandé de bons fournisseurs et
installateurs locaux. Cette formule gagnante a favorisé des résultats
atteignant notre cible. Une belle alliance s’est développée entre nous et tous
les travaillants, nous étions plus qu’une équipe, nous devenions des amis.
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L'Heure Bleue, notre maison écologique à Saint-Irénée |
Le printemps charlevoisien est tardif, toutefois il apporte
ses faveurs tant attendues. Les travaux de finition étaient terminés avec le
revêtement et les fenêtres. Les journées allongeaient, et encore une fois le
temps apportait avec lui le retour des oiseaux, le verdissement des prés, les
premières fleurs du printemps et la réalisation que nous avions une vraie
maison, pas une structure en voie de construction, mais que la maison était
réelle. Le chantier devenait de plus en plus silencieux et finalement, les
derniers échafauds partirent avec tous les camions. Le soleil entrait par la fenestration
généreuse et effleurait nos planchers de noyer blanc. Je marchais dans les
pièces et je pouvais imaginer facilement notre vie ici. Souvent, Pierre et moi
arrêtions nos travaux de vernissage pour saisir le moment présent, cette petite
voix intérieure qui nous dit que nous avons non seulement fait la bonne chose,
mais aussi que nous avons relevé un défi de taille et que nous l’avons bien
fait.
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Nos terrasses avec vue sur fleuve et accès au bord de l'eau. |
Tous les matins, nous nous faisons un devoir d’exprimer notre
reconnaissance en regardant les premières lueurs du jour, l’heure bleue où la
nuit cède un horizon de feu pour annoncer un nouveau jour. C’est la première
heure du jour où les oiseaux commencent à chanter, où les fleurs et les fruits
sont à leur meilleur parfum. C’est le moment présent où Pierre et moi
partageons un sentiment de quiétude, une vie de couple pleine de découvertes à
venir avec une sérénité bien enracinée dans une nature à couper le souffle. C’est
pour ces raisons que nous avons nommé notre maison L’Heure bleue en gage de
notre reconnaissance de saisir tous les jours qui nous sont donnés.

On ne peut que
sourire, rire même quand on pense aux étapes que nous avons franchies. Notre
famille et nos amis réalisent l’ampleur de notre projet et nous ont demandé si
nous le recommencions. Sans hésitation, nous répondons que nous le referions
demain matin. C’est une réponse qui vient de l’expérience vécue et elle vient
aussi du cœur. Nous le referions avec Normand Duchesne sans hésitation. L’autoconstruction
n’est pas pour tout le monde. Construire une maison clé en main est plus
simple, mais nous voulions un projet de retraite. C’est notre dernière maison
et nous voulions investir toute notre énergie pour l’atteindre parce que c’est
important. Au bout de notre trajectoire, nous réalisons la différence entre
construire et bâtir. C’était plus qu’un projet de construction. Nous avons bâti
notre chez-nous pour vivre les belles années qui nous attendent avec nos
enfants et petits-enfants. C’est une de nos plus belles réalisations.
Si jamais vous êtes dans notre bout de Charlevoix, et vous voulez
voir ce qu’un couple à la retraite peut faire quand ils sont motivés et têtus,
venez nous voir. Si vous voulez voir ce qu’un homme peut faire lorsqu’il a une
vision et de la persévérance, regardez dans Charlevoix ce que Normand
Duchesne a bâti avec Niveautech. Si le temps apporte la réalisation de la
mesure d’un rêve, nous pouvons vous partager notre histoire. Si le temps
apporte la réalisation de la mesure d’un entrepreneur, c’est l’histoire de
Normand Duchesne, un bâtisseur de rêves qui deviennent des communautés.