jeudi 11 août 2016

Quand la sérendipité devient la norme



Un de mes auteurs préférés, Roch Carrier a déjà dit qu’un homme qui bâtit sa propre maison renait une deuxième fois. On y met de nous-mêmes pour l’amour de notre couple, de notre famille et pour notre communauté. Construire est technique, linéaire, même cartésien. En d’autres mots, si bâtir veut dire léguer un patrimoine intemporel, construire c’est créer tout ce qui se mesure concrètement. C’est une empreinte tangible qui a un impact sur nous et l’environnement. La prime est haute. Ce que l’on fait doit être durable pour ne pas abuser de nos ressources naturelles. Choisir l’écoconstruction, c’est un gage de respect à chaque étape de la construction. L’idée n’est pas neuve. Nos ancêtres le pratiquaient, mais en cour de route comme bien d’autres pratiques vénérables, nous avons oublié d’utiliser des ressources locales peu transformées.
Il n’est pas nécessaire de débattre le point. Une maison écologique et écoénergétique consomme moins d’énergie, d’eau et de ressources naturelles. Elle produit moins de déchets, est plus saine et confortable pour ceux qui l’habitent en plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le coût se compare à celui d’une maison conventionnelle. Les agences d’immobilier indiquent que l’augmentation de la valeur des habitations certifiées est alimentée par un intérêt soutenu pour les habitations écologiques certifiées. C'est donc un bon investissement à tout point de vue.

Nous avons choisi la certification internationale LEED v4 (Leadership in Energy & Environmental  Design) pour notre résidence bioclimatique. En suivant leur système de pointage, nous pouvons réaliser une économie d’énergie importante pouvant aller jusqu’à 70 %. L’utilisation de l’eau potable, une ressource naturelle précieuse, est deux fois moins élevée. De matériaux sains, une ventilation performante et le contrôle du radon diminuent de façon marquée les substances nocives où le niveau des polluants à l’intérieur de la maison peut être jusqu’à 5 fois plus élevé que l’extérieur. Un exemple est le plancher flottant, certaines mélamines et la peinture qui relâchent des émanations toxiques pour presque sept ans. Ensuite, on les remplace et le cycle recommence. On surveille tout pour la santé de notre famille, et pourtant, on s’empoisonne tranquillement avec les émanations toxiques produites par le matériel que nous utilisons dans nos maisons. Une maison écologique fait le contraire, car elle prend soin de nous.

L’écoconstruction a ses avantages financiers sans être plus onéreuse comme plusieurs la croient. Il y a des crédits de taxes dans certaines municipalités, des rabais d’assurances, des avantages sur les hypothèques et surtout une valeur de revente accrue. Donc, construire de façon soutenable en vaut la mèche sur divers plans. Je dois avouer cependant que l’exercice peut devenir ardu, car certains secteurs du domaine de la construction ne s’opposent pas ouvertement au processus, mais dans certains cas, c’est une culture fermée qui n’est pas prête à innover de peur que la rentabilité diminue. Pour le consommateur averti, il faut se préparer en faisant des recherches, en consultant des experts-conseils et en posant les bonnes questions au point où s’en devienne une obsession. On ne peut pas être à demi écolo. C’est tout ou rien. Une fois le point de bascule atteint, on plonge dans l’infini vert et ça, c’est tout un apprentissage en soi-même. Les choix que nous avons faits pour notre maison, en plus d’être verts, reflètent les Baby Boomers, notre démographie qui veut vivre de façon
autonome dans une retraite active. Nous avons rencontré plusieurs acteurs dans le domaine de la construction durable, certains plus militants que d’autres et nous avons toujours apporté notre point de vue à la table. Nous voulons un design universel qui facilite l’accessibilité multigénérationnelle. Ils nous ont écoutés. De ce fait, nous avons attiré l’attention du Conseil de bâtiment durable canadien qui nous affiche sur leur leaderboard sur leur site internet. Même la communauté où nous emménageons nous a mis sur son site avec un lien sur notre blogue. Toute cette visibilité nous donne de la crédibilité. Nos recherches personnelles ont apporté des résultats qui intéressent l’industrie. C’est pour cette raison que plusieurs de nos fournisseurs sont nos partenaires. Vous verrez leurs sigles commerciaux en marge de ce billet. Nous vous invitons à les consulter pour leur leadership, professionnalisme, la qualité de produits et services en écoconstruction.

Pour faciliter notre tâche, les programmes de certifications internationales offrent un encadrement rigide pour atteindre des objectifs mesurables et soutenables. Ce n’est pas de la philosophie ou du greenwashing. C’est la réalité qui se mesure avec des outils conviviaux en ligne comme les tableurs de pointage. Dès l’amont du projet de construction, il faut une équipe sans avoir à débattre les mérites de la construction soutenable. Dans notre cas, nous avons choisi la firme d’architectes TERGOS, de Québec, des experts en écoconstruction. Ils ont raflé plusieurs prix au niveau platine pour LEED. Ensemble, nous avons valorisé les ressources naturelles permettant de se rapprocher du site naturel de notre emplacement sur le bord du fleuve en prônant l’énergie passive et l’emploi de matériaux à faible énergie grise, c.-à-d. l’énergie nécessaire pour la transformation de la matière. La gestion écologique du chantier de construction est aussi une rigueur avec des pratiques concrètes et quantifiables.

En choisissant LEED version 4, nous sommes la 2e maison au Canada et au Québec inscrite pour obtenir cette accréditation internationale. La 1re est à Edelweiss et a été réalisée par Écohabitation, nos mentors. Ils ont atteint le niveau convoité de Platine. Le cheminement pour la certification est échelonné selon les domaines spécialisés de planification et de conception de projet intégrées nommément, l’emplacement et le transport, l’aménagement écologique des sites, la gestion efficace de l’eau, l’énergie et l’atmosphère, matériaux et ressources, qualité des environnements intérieurs, innovation et priorité régionale. Chaque section est pondérée selon un système de pointage cumulatif pour atteindre un point de référence international dans le design et la construction à haute performance. C’est aussi une initiative pour transformer l’industrie de construction. Donc, quand un couple à la retraite comme nous se présente dans cette arène, la donne change avec tous ses défis comme notre courbe d’apprentissage, convertir les non-croyants et faire confiance à des systèmes passifs quand toute notre vie nous nous sommes fiers sur des systèmes énergivores.
Au risque de sombrer dans une course aux points pour faire partie de l’élite platine, il faut avouer que face à la pondération des points pour chaque décision, on devient conditionné à penser comme le tableur de pointage LEEDv4. Il y a deux côtés à cette médaille. Le pointage nous force à suivre une stratégie de construction durable rigide dans sa structure. D’un autre côté, c’est ce qui nous est arrivé, la brique avec tous les règlements de LEEDv4 devient votre lecture de chevet pendant plus de 2 ans pour se transformer en une douce obsession. On dit que l’ambition est un sentiment extrêmement noble. Ce qui la pervertit, c’est l’obsession, qui est dans ce cas, la course au point.

Si on renait quand on bâtit sa maison, entreprendre une construction écoresponsable est une pure
sérendipité. On cherche quelque chose et on trouve autre chose pour se rendre compte que ce que nous avons trouvé est plus adapté à nos besoins que ce que nous pensions rechercher. C’est ce qui explique le mieux l’écoconstruction, sortir des sentiers battus pour se réinventer une nouvelle zone de confort. C’est la nouvelle norme. On lui souhaite un futur sain et très vert.