On a l’impression parfois que la créativité c’est l’intelligence
qui s’amuse, qu’elle nous donne la clé des champs. Ensuite, il y a la curiosité
qui a sa propre raison d’exister. On ne peut pas la forcer, on ne peut que l’éveiller.
Les gens qui possèdent ces qualités sont passionnément curieux et nourris d’énergie
exploratrice insatiable. Serge Perron, président de Gérard Perron et fils, en
partenariat avec Béton Provincial, est un homme qui prend volontiers des risques
avec son imagination. Si sa créativité et son sens de l’invention l’autorisent
à l’expérimentation, les règles de l'art lui permettent de s’exprimer au-delà des
pratiques quotidiennes de son secteur d’expertise. Comme on dirait dans le métier, c'est coulé dans le béton.
Serge Perron est non seulement l’héritier de ce talent de père en fils, mais aussi celui
qui lèguera sa vision à ses enfants. Pour ce qu’il y en est de la communauté
immédiate de Baie-Saint-Paul ainsi que le Québec, nous avons tout à gagner.
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Serge Perron (Journal Le Charlevoisien) |
Nous avons rencontré Serge Perron lorsqu’est venu le temps
de trouver du béton recyclé pour fabriquer la fondation de notre maison selon
les normes LEED v4. Les normes sont très spécifiques. Pour obtenir le plus grand nombre de points menant à la certification en ce qui a trait au béton, nous devons examiner plusieurs critères allant de l'aménagement écologique de notre chantier jusqu'à optimiser la performance énergétique du béton comme masse thermique. La question plus épineuse pour nous était la réutilisation du béton ou le béton recyclé. Nous voulions avoir 30% de béton recyclé dans notre fondation et les planchers. Le hic pour le béton recyclé est sa provenance qui est parfois difficile à cerner. Au risque de s'exposer à ce facteur négatif comme par exemple le pyrite qu'il pourrait contenir, nous avons décider de passer sur le béton recyclé. Nous avons choisi Béton Provincial parce qu'ils ont une certification que leur carrière locale ne contient pas de pyrite.
LEED v4 demande également que les granulats pour le béton soient extraits et distribués dans un rayon de 160 km du site du terrain à bâtir.
Le béton doit contenir au moins 30 % d’ajouts cimentaires et 50 % de
granulat recyclé ou 90 % de granulat recyclé. La dalle sur le sol doit
être en béton lissé poli. Pour le béton
extérieur, les trottoirs et la terrasse doivent être de béton de couleur pâle
comme le blanc ou le gris pour réduire les îlots de chaleur par la réflectivité solaire. Il en demeure que
malgré ces consignes, les entrepreneurs
doivent nous conseiller en fonction du projet pour le type de béton, les
proportions d’ajouts cimentaires et les adjuvants. Il était donc impossible en région d'obtenir tous les crédits possibles LEEDv4 pour l'utilisation du béton. Il faudrait trouver les points manquant ailleurs dans une autre catégorie.
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Chanvre et chaux |
À travers nos rencontres dans le réseautage amical et professionnel, les partages à ce niveau ont été enrichissants car ils nous ont initiés à des pratiques novatrices qui parfois allaient puiser leurs techniques chez nos ancêtres. On le voit surtout dans les pratiques d'ajouts comme le chanvre et la paille. Les bétons dits écologiques sur le marché sont encore au
niveau embryonnaire. Le béton de chanvre qui est un mélange de chanvre broyé et
tamisé est lié avec de la chaux pour construire des murs hors terre. C’est un
concept fort intéressant, car la chaux agit comme une masse thermique
permettant d’accumuler la chaleur pour la diffuser à l’intérieur. Une autre option écologique est le béton
ternaire plus résistant, imperméable et durable, qui est constitué de rebuts post-industriels comme les cendres, la fumée
de silice. Il est aussi plus dispendieux et pas toujours
disponible. Ces types de bétons n’étaient pas pour nous. Une des raisons, surtout pour le chanvre, était la difficulté de l'obtenir. Nous ne sommes pas encore au niveau où il peut être produit localement. Nous avons donc regardé ailleurs. Pour nous, le béton était la solution.
Le commun des mortels ignore ce qu’est le béton. Pourtant,
dans l’architecture moderne, c’est une matière noble. Il y a eu une période au début de la construction contemporaine où le béton avait un aspect sobre et parfois peu attrayant. On trouvait ces structures moins organiques, moins chaleureuses. Le béton a vu une transformation comme matériaux décoratif surtout au niveau de la création d'ambiance. On a qu'à penser à l'effet de l'éclairage pour faire ressortir les textures du béton dans les grandes surfaces. C'est un look à la fois minimaliste et feutré, non seulement dans l'intérêt du design, mais aussi pour les solutions techniques avancées. Nous avons découvert la surprenante beauté du béton et pourtant, nous ignorons sa composition.
Le béton est composé de
granulats (60 à 80 %), de sable, de ciment (7 à 15 %), de l’eau (14 à
21 %), de l’air et des adjuvants chimiques (5 à 6 %). L’eau doit être potable, sans impuretés ou odeur. Le
ciment, ce qui lie le béton, est une poudre très fine mélangée aux granulats et
durcie au contact avec l’eau. Le ciment est une pierre calcaire broyée (75 %)
et d’argile (25 %). Le cru est cuit dans un four à 1450 degrés Celsius pour
créer une roche artificielle qu’on appelle clinker. On le refroidit rapidement
et on le broie pour le mélanger avec du gypse, du calcaire et des ajouts
cimentaires. Il atteint sa résistance à 90 % après 28 jours. Le hic, c’est
que pour produire une tonne de clinker, on dégage 500 kg de CO2. C’est ici
que les écolos chevronnés débarquent si l’on réalise que le béton est la
substance la plus utilisée au monde après l’eau. Donc comment peut-il être
écolo?
Si l’on regarde le cycle de vie du béton, il est un produit
du recyclage du début à la fin et composé de plusieurs sous-produits
industriels qui seraient dans les sites d’enfouissement. On les utilise dans les fours à ciment ou dans les formules de béton.
Le béton est recyclable. C’est qu’il faut de l’innovation pour réduire le bilan
carbonique du béton. Malgré tous les renseignements et une connaissance
sommaire acquise lors de nos formations, il fallait parler à un expert pour nous
donner l’heure juste.
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Serge Perron à la console de sa salle de dosage |
Serge Perron est l’expert-conseil qu’il faut consulter, fort
d’une entreprise familiale qui existe depuis plus de 75 ans et dont il assure
la pérennité. Installé dans la salle de dosage où le système informatique qu’il
a créé a doublé la production ainsi que l’efficacité, il ressemble à un ingénieur
aux contrôles de la NASA. En l’observant dans ses manœuvres, je me suis dit qu’il
était un genre de Leonard de Vinci au talent pluridisciplinaire. Je n’étais pas
surprise lorsqu’il a avoué son côté artistique, non seulement dans le design
architectural, mais comme musicien et spécialiste dans la sonorisation. Ce
visionnaire dans la construction sourit humblement en disant qu’il adore le
béton en expliquant les réactions chimiques que nous tenons pour acquises. Il
nous fait comprendre rapidement comment le béton est très malléable et en
symbiose avec d’autres matériaux comme l’acier. C’est une matière noble qui
résiste aux agressions du temps. Son plus grand souhait est que les
entrepreneurs ouvrent l’esprit aux nouvelles méthodes de construction. On peut
tout faire avec du béton et respecter l’environnement en plus d’innover sur le
plan énergétique. La nécessité est la mère de l’invention. Serge Perron aime
plaisanter humblement en disant que la pauvreté rend vaillant. Après avoir
rencontré cet entrepreneur, j’ai longuement réfléchi à notre rencontre
persuadée que cet individu devrait écrire un livre pour initier le grand public
à sa vision, ou du moins il devrait enseigner pour partager sa science et son
expérience.
Pour ce qu’il y en est de notre utilisation pour le béton,
les camions de Béton Provincial se sont dirigés vers notre chantier et c’est à ce
moment que tout est devenu concret. On voyait finalement l’empreinte de la
maison. C’était le début d’une nouvelle étape dans la construction de notre
maison écologique et comme la vision de Serge Perron, le meilleur est à venir.