samedi 23 janvier 2016

La séduction de Pandore par Saint-Basile



Pandore la 1ere femme
C’est une douce séduction qui devient venimeuse quand elle est à son meilleure. Tout est dans le regard et le désir. L’idée de créer l’environnement intime nous choie. On repousse l’ordinaire et le style de vie prêt à porter pour s’exposer aux regards des autres sans vouloir admettre que l’on attend leur jugement. Avouons-le, on se définit par les intérieurs que nous habitons, car ils reflètent notre intimité. L’art de la vie casanière relègue aux oubliettes les designs préconçus pour inventer un éclectisme imprédictible. Ajoutez la conscience écolo et il n’est pas surprenant d’entendre un soupir collectif.
En guise de soulagement, on entend une petite voix qui murmure : et puis après?
 Nous sommes une société de consommation entourée d’objets. On veut faire une bonne affaire, bref : quelque chose qui nous valorise par son acquisition. Toute une classe de consommateurs chevronnés musarde les marchés aux puces, les friperies, les encans et les ventes sur internet comme Kijiji, Craig’s List, Etsy, Ebay et même Facebook. Il y a aussi l’armée verte, ces écolos qui cherchent dans la récupération les trésors abandonnés qui ne se sont pas encore rendus chez l’antiquaire, la boutique huppée de collections ou l’écocentre. C’est l’art d’intercepter la perle rare avant que les autres s’aperçoivent sa juste valeur.
Les dédales de l'abondance
Le profane se mêle au sacré
 La séduction de l’objet trouvé est devenue notre passe-temps par excellence. Pour ce qu’il y en est pour mon conjoint et moi-même, notre motivation est simple. Afin d’ajouter aux lignes épurées modernes de notre maison, nous avons choisi d’ajouter des éléments architecturaux et décoratifs inattendus. Une de nos inspirations est d’avoir des portes intérieures anciennes pour faire un contraste avec la modernité. C’est un beau dialogue entre les époques et c’est écolo. Donner une deuxième vie à un objet qui ne vient pas emballé par la manufacture s’avère une aventure des plus enrichissantes. On dirait du voyeurisme. L’objet convoité vient enveloppé dans une histoire unique qui raconte sa provenance. En prenant le temps de trouver ces artefacts, on découvre les vies qui y étaient greffées et on s’imagine toutes les histoires qui vont avec l’époque associée. Cette perspective ajoute à la richesse de nos trouvailles et est limitée par l’imagination nostalgique et le goût de la recherche. Les chiffonniers, les miroirs, les portes et même les fenêtres revêtent une entité particulière. Il y a une histoire accrochée à chaque objet. Il n’y a pas seulement les murs d’une maison qui peuvent raconter une histoire. Les objets de tous les jours nous racontent les vies qui les ont manipulés. Je vous avertis, c’est accro.



ARTÉ
Nous nous sommes donc mis à convoiter ce que les autres avaient apporté aux écocentres municipaux et aux entrepôts remplis de matériaux provenant de la démolition de vieux couvents ou de monastères avec leurs trésors anciens. Pour réussir, il faut une stratégie d’achat et de logistique. GPS et café en main tôt les fins de semaine, nous cherchions tout ce que nous avions recensé sur notre liste. La courbe d’apprentissage a été abrupte. C’est du travail ardu à la fois cérébral pour dépister et physique pour manipuler. Ensuite, il y a l’attitude. Tout a une valeur reliée à sa fonctionnalité et à son époque d’où vient le fameux terme de vintage. Combien de fois avons-nous jasé avec un vendeur qui utilisait cette épithète librement? Caveat emptor! Quand on parle de millésime, on parle d’une époque et de l’objet original. Pour le néo-rétro, c’est l’imitation conçue pour évoquer l’époque. Le vintage a sa valeur nostalgique ajoutée à l’engouement du désir d’acheter de la qualité à petit prix. Je ne suis pas chineuse de kitsch, mais le gros bon sens écolo me donne un éclectisme inégalé sans être assujetti à la houlette d’un designer ou d’un architecte d’intérieur. 
Saint-Basile


C’est à la recherche de tels éléments architecturaux que nous avons trouvé ARTÉ, l’Artisan du Renouveau et de la Transformation Écologique, un magasin-entrepôt au plein cœur de Griffintown, faubourg historique longeant le canal Lachine, à Montréal. En furetant leur site internet, on y découvre une richesse tant au niveau du kitsch jusqu’aux antiquités. C’est en franchissant le seuil d’ARTÉ que l’on réalise qu’on vient d’ouvrir la boîte de Pandore et tout son envoutement. Ce n’est pas tous les jours que l'on peut dire que Saint-Basile nous reçoit en entrant. Ensuite, c’est l’accueil chaleureux de Jean-Marc Moreau, le gestionnaire d’ARTÉ, qui nous donne la clé des champs pour aller explorer les dédales de l’entrepôt de la rue Murray. À vrai dire, toutes les stratégies que nous avions formulées pour repérer des objets spécifiques se sont envolées. Pierre et moi marchions en silence sous l’effet
Stéphane Tremblay
d’une émotion tangible comme on le fait en pénétrant une cathédrale ou un temple. C’est hallucinant. Tout à coup, nous sommes interpellés par une voix qui provient de quelque part dans le labyrinthe. Stéphane Tremblay est le génie dans la caverne d’Ali Baba, dans tous les sens du mot. Il en est le fondateur et celui qui a pu réaliser cette vision de valoriser la récupération. Génie,
car ARTÉ est un tour de force sur plusieurs plans et que son initiative est durable. Non seulement a-t-il créé des emplois, mais il valorise l’approche écologique de la récupération. ARTÉ est reconnu par les designers, les revues d’intérieur, les metteurs en scène pour la télé et le théâtre, les plateaux de tournage pour le cinéma, pour les objets rares qui sont en location. Pour le commun des mortels, c’est la boîte de Pandore.  Si vous avez l’œil et que vous avez fait vos recherches, vous dénicherez des œuvres d’art, des artefacts et des meubles, même des outils convoités par les collectionneurs chevronnés. À l’œil s’ajoute l’art de négocier. Pratiquez-vous.

Jean-Marc Moreau
 Nous sommes allés à trois reprises chez ARTE et toutes les fois, Stéphane et Jean-Marc nous accueillaient avec le même brio. Incertains au sujet d’une acquisition, Stéphane est un designer né  qui vous offre des suggestions pour inspirer. Quel serait le critère ultime pour consacrer ARTÉ avec Stéphane et Jean-Marc comme un must pour refaire vos intérieurs? C’est quand on y passe une bonne partie de la journée et qu’on y sort à la noirceur avec nos trouvailles acquises à un prix extrêmement raisonnable. Qu’on a fait de nouvelles amitiés avec deux hommes uniques pour leur implication dans la communauté et qu’il a fallu louer un camion pour ramener nos trésors à la maison!
Journée fructueuse
D’habitude je trouve la route longue entre Montréal et Gatineau, surtout la 417, mais cette soirée-là, en suivant mon conjoint qui conduisait la camionnette de location avec notre butin, j’ai chanté avec la radio tout le long en regardant les étoiles qui surplombaient les fermes à perte de vue. C’est inouï comment parfois la vie nous donne un clin d’œil quand on simplifie les choses. Au fond, c’est ça être écolo, c’est redonner une deuxième vie à un objet qui a une histoire à nous raconter. Ce qui est encore plus fascinant est l'émotion créée lorsqu'on achète un objet du passé. C'est un peu comme si l'histoire continue à se raconter en suivant la trajectoire que lui donne notre quotidien. En y pensant, le design n'est pas l'image de l'objet mais comment il fonctionne. Si cet objet est utile et qu'on s'en sert encore après toutes ces vies qui l'on possédé, cela ne fait qu'ajouter à sa poésie. Voilà sa plus grande valeur : bien fait c'est mieux que bien dit. Parfois, il ne faut pas attendre d'être séduit, il faut poursuivre son inspiration pour guider nos projets et réaliser nos rêves.   

 

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