|
Pandore la 1ere femme |
C’est une douce séduction qui devient venimeuse quand elle
est à son meilleure. Tout est dans le regard et le désir. L’idée de créer l’environnement
intime nous choie. On repousse l’ordinaire et le style de vie prêt à porter
pour s’exposer aux regards des autres sans vouloir admettre que l’on attend
leur jugement. Avouons-le, on se définit par les intérieurs que nous habitons,
car ils reflètent notre intimité. L’art de la vie casanière relègue aux
oubliettes les designs préconçus pour inventer un
éclectisme imprédictible. Ajoutez la conscience écolo et il n’est pas
surprenant d’entendre un soupir collectif.
En guise de soulagement, on entend une petite voix qui
murmure : et puis après?
Nous sommes une société de consommation entourée
d’objets. On veut faire une bonne affaire, bref :
quelque chose qui nous valorise par son acquisition. Toute une classe de
consommateurs chevronnés musarde les marchés aux puces, les friperies, les
encans et les ventes sur internet comme Kijiji, Craig’s List, Etsy, Ebay et
même Facebook. Il y a aussi l’armée verte, ces écolos qui cherchent dans la
récupération les trésors abandonnés qui ne se sont pas encore rendus chez
l’antiquaire, la boutique huppée de collections ou l’écocentre. C’est l’art
d’intercepter la perle rare avant que les autres s’aperçoivent sa juste valeur.
|
Les dédales de l'abondance |
|
Le profane se mêle au sacré |
La séduction de l’objet trouvé est devenue notre passe-temps
par excellence. Pour ce qu’il y en est pour mon conjoint et moi-même, notre
motivation est simple. Afin d’ajouter aux lignes épurées modernes de notre maison, nous
avons choisi d’ajouter des éléments architecturaux et décoratifs inattendus.
Une de nos inspirations est d’avoir des portes intérieures anciennes pour faire
un contraste avec la modernité. C’est un beau dialogue entre les époques et
c’est écolo. Donner une deuxième vie à un objet qui ne vient pas emballé par la
manufacture s’avère une aventure des plus enrichissantes. On dirait du
voyeurisme. L’objet convoité vient enveloppé dans une histoire unique qui
raconte sa provenance. En prenant le temps de trouver ces artefacts, on découvre
les vies qui y étaient greffées et on s’imagine toutes les histoires qui vont
avec l’époque associée. Cette perspective ajoute à la richesse de nos
trouvailles et est limitée par l’imagination nostalgique et le goût de la
recherche. Les chiffonniers, les miroirs, les portes et même les fenêtres
revêtent une entité particulière. Il y a une histoire accrochée à chaque objet.
Il n’y a pas seulement les murs d’une maison qui peuvent raconter une histoire.
Les objets de tous les jours nous racontent les vies qui les ont manipulés. Je vous avertis, c’est accro.
|
ARTÉ |
Nous nous sommes donc mis à convoiter ce que les autres
avaient apporté aux écocentres municipaux et aux entrepôts remplis de matériaux
provenant de la démolition de vieux couvents ou de monastères avec leurs trésors
anciens. Pour réussir, il faut une stratégie d’achat et de logistique. GPS et café
en main tôt les fins de semaine, nous cherchions tout ce que nous avions recensé sur notre liste. La courbe d’apprentissage a été abrupte. C’est du travail ardu à la
fois cérébral pour dépister et physique pour manipuler. Ensuite, il y a
l’attitude. Tout a une valeur reliée à sa fonctionnalité et à son époque d’où
vient le fameux terme de vintage. Combien de fois avons-nous jasé avec un
vendeur qui utilisait cette épithète librement? Caveat emptor! Quand on parle de millésime, on parle d’une époque et
de l’objet original. Pour le néo-rétro, c’est l’imitation conçue pour évoquer
l’époque. Le vintage a sa valeur nostalgique ajoutée à l’engouement du désir
d’acheter de la qualité à petit prix. Je ne suis pas chineuse de kitsch, mais
le gros bon sens écolo me donne un éclectisme inégalé sans être assujetti à la
houlette d’un designer ou d’un architecte d’intérieur.
|
Saint-Basile |
C’est à la recherche de tels éléments architecturaux que
nous avons trouvé ARTÉ, l’Artisan du Renouveau et de la Transformation
Écologique, un magasin-entrepôt au plein cœur de Griffintown, faubourg
historique longeant le canal Lachine, à Montréal. En furetant leur site
internet, on y découvre une richesse tant au niveau du kitsch jusqu’aux
antiquités. C’est en franchissant le seuil d’ARTÉ que l’on réalise qu’on vient
d’ouvrir la boîte de Pandore et tout son envoutement. Ce n’est pas tous les
jours que l'on peut dire que Saint-Basile nous reçoit en entrant. Ensuite, c’est l’accueil
chaleureux de Jean-Marc Moreau, le gestionnaire d’ARTÉ, qui nous donne la clé
des champs pour aller explorer les dédales de l’entrepôt de la rue Murray. À
vrai dire, toutes les stratégies que nous avions formulées pour repérer des
objets spécifiques se sont envolées. Pierre et moi marchions en silence sous l’effet
|
Stéphane Tremblay |
d’une émotion tangible comme on le fait en pénétrant une cathédrale ou un
temple. C’est hallucinant. Tout à coup, nous sommes interpellés par une voix
qui provient de
quelque part dans le labyrinthe. Stéphane Tremblay est le génie
dans la caverne d’Ali Baba, dans tous les sens du mot. Il en est le fondateur
et celui qui a pu réaliser cette vision de valoriser la récupération. Génie,
car ARTÉ est un tour de force sur plusieurs plans et que son initiative est
durable. Non seulement a-t-il créé des emplois, mais il valorise l’approche
écologique de la récupération. ARTÉ est reconnu par les designers, les revues
d’intérieur, les metteurs en scène pour la télé et le théâtre, les plateaux de
tournage pour le cinéma, pour les objets rares qui sont en location. Pour le
commun des mortels, c’est la boîte de Pandore.
Si vous avez l’œil et que vous avez fait vos recherches, vous dénicherez
des œuvres d’art, des artefacts et des meubles, même des outils convoités par
les collectionneurs chevronnés. À l’œil s’ajoute l’art de négocier.
Pratiquez-vous.
|
Jean-Marc Moreau |
Nous sommes allés à trois reprises chez ARTE et toutes les
fois, Stéphane et Jean-Marc nous accueillaient avec le même brio. Incertains au
sujet d’une acquisition, Stéphane est un designer né qui vous offre des suggestions pour inspirer. Quel serait le critère ultime pour consacrer
ARTÉ avec Stéphane et Jean-Marc comme un must pour refaire vos intérieurs?
C’est quand on y passe une bonne partie de la journée et qu’on y sort à la
noirceur avec nos trouvailles acquises à un prix extrêmement raisonnable. Qu’on a fait de nouvelles amitiés avec deux
hommes uniques pour leur implication dans la communauté et qu’il a fallu louer
un camion pour ramener nos trésors à la maison!
|
Journée fructueuse |
D’habitude je trouve la route longue entre Montréal et
Gatineau, surtout la 417, mais cette soirée-là, en suivant mon conjoint qui
conduisait la camionnette de location avec notre butin, j’ai chanté avec la
radio tout le long en regardant les étoiles qui surplombaient les fermes à
perte de vue. C’est inouï comment parfois la vie nous donne un clin d’œil quand
on simplifie les choses. Au fond, c’est ça être écolo, c’est redonner une
deuxième vie à un objet qui a une histoire à nous raconter. Ce qui est encore plus fascinant est l'émotion créée lorsqu'on achète un objet du passé. C'est un peu comme si l'histoire continue à se raconter en suivant la trajectoire que lui donne notre quotidien. En y pensant, le design n'est pas l'image de l'objet mais comment il fonctionne. Si cet objet est utile et qu'on s'en sert encore après toutes ces vies qui l'on possédé, cela ne fait qu'ajouter à sa poésie. Voilà sa plus grande valeur : bien fait c'est mieux que bien dit. Parfois, il ne faut pas attendre d'être séduit, il faut poursuivre son inspiration pour guider nos projets et réaliser nos rêves.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire