Pierre travaille sur nos plans |
Pierre est doué pour travailler avec les détails. Moi c’est
le grand portrait. Notre focus est différent et c'est une belle complicité. Il y a
tellement de choses qui m’échappent et que je compte sur Pierre pour cerner. De
mon côté, j’ai toujours évité la linéarité. Je préfère les sauts quantiques
pour analyser des systèmes complexes sans les rendre compliqués. Mon esprit de
synthèse est mon outil de prédilection. Pourquoi aller de A à B en ligne droite
quand on peut explorer et aller ailleurs? Je suis persuadée qu'il y a toujours plus qu'une solution et que la bonne réponse c'est celle qui marche. C’est mon modus
operandi. Apparemment, mon conjoint trouve que je conduis ma Subaru de la même
façon que je cogite, rarement en ligne droite. Mon
excuse : j’ai appris à conduire en campagne et le paysage rural m’allume
plus que de suivre une ligne blanche sur un ruban de macadam sans fin.
Revenons à nos moutons. Lorsque Pierre et moi parlons des
plans de construction, nous disons essentiellement la même chose, car nous
partageons la même vision, cependant, notre langage est différent. Par exemple,
nous aimons la technologie, mais nous la voyons différemment. Pierre est très
pratico-pratique. Moi non. Je veux voir qu’elles seraient d’autres applications
pour le même bidule. Donc, lorsque nous discutons des plans de construction,
notre interlocuteur doit agir comme un filtre et travailler intuitivement au
niveau de notre subconscient. Ensuite, l’interlocuteur traduit la trame de
notre pensée dans un langage vernaculaire. Ce n’est pas une mince affaire.
Ainsi, que faire avec le langage silencieux de l’architecture? Ça prend le
sourire d’Annabel.
Première rencontre de l'équipe sur le terrain |
Nous avons rencontré Annabel Arsenault, architecte, lors de
notre deuxième réunion avec Bruno Verge à Tergos. La première chose que l’on
remarque chez Annabel est son air serein. Son regard franc est authentique et
lorsqu’elle sourit, deux fossettes généreuses encadrent son sourire. Elle est
très patiente et sa capacité d’écoute est impressionnante. Notre deuxième
rencontre consistait dans la signature du contrat et notre première visite du
terrain à Saint-Irénée où l’arpenteur-géomètre, Dave Tremblay, nous attendait
avec son équipe. En route pour Charlevoix, je précisais nos idées pour les
plans de la maison et j’ai remarqué qu’Annabel et Bruno prenaient des
notes. Ils ne perdaient pas leur temps, ni le notre.
Arrivés au terrain, Pierre rassembla toute l’équipe pour
cette rencontre préliminaire et il y eut un échange d’information et de stratégie.
Avec les données de l’arpenteur-géomètre, on pouvait visualiser mieux l’emplacement
de la maison, l’écoulement des eaux de surface, la localisation du puits
artésien et de la fosse septique. Le
concret s’enracinait doucement comme par osmose. Une topographie 3D serait disponible pour faciliter la tâche des architectes pour bien ancrer la maison dans son environnement tout en protégeant ce dernier.
Bruno Verge nous partage sa vision. |
Quand Bruno prit la parole, il parlait de volume et de
matériaux nobles. Il expliquait comment la fenestration généreuse de la maison
pourrait sculpter la lumière au cours des saisons. Je voyais la maison s’ériger devant moi avec
un style épuré, fusionnée à l’environnement et interpellant nos sens. C’était loin des looks dans les magazines, le
syndrome de la grosse maison surchargée de pignons en vinyle et de fausse
pierre. L’esquisse qu’il décrivait était
intemporelle et avait une limpidité assurant une résidence performante intégrée
à son environnement et respectueuse de notre bien-être. Pendant que Bruno
partageait sa vision, Annabel prenait des photos et notait. Son silence était
très éloquent. Elle voyait déjà notre quotidien et le potentiel de cette
construction. Ensuite, nous sommes descendus au bord du fleuve. Toute cette
mouvance bleue ne cesse d’impressionner les gens qui viennent voir notre
terrain. C’est presque une trêve
obligatoire d’aller au bord de l’eau et de regarder vers l’infini.
La maison de mes ancêtres |
Finalement, en route pour notre retour à Québec, j’ai eu la
chance de leur indiquer rapidement la maison de mes ancêtres à Château-Richer. Sise sur la route Royale, on la voit de dos
en passant sur la route 138. Construite entre les années 1790 et 1818, par
François Rhéaume, elle est érigée sur une terre concédée en 1650. C’est en
faisant mon arbre généalogique que je l’ai trouvé. J’expliquais à Annabel et à
Bruno les émotions fortes que j’avais ressenties lorsque je l’avais vu pour la
première fois. Après avoir pris des
photos, j’avais mis ma main sur un de ses murs et je lui avais murmuré :
comme toi, nous sommes encore ici.
Château-Richer sur la Cöte de Beaupré |
L’architecture, au-delà de tous les canons de la beauté,
prend son importance parce qu’elle est la mise en scène de notre quotidien et de notre culture.
Comme la maison de mes ancêtres, mon plus grand désir est que notre demeure
à Saint-Irénée raconte notre petit bout d'histoire. Ayant dit ceci,
je vis le sourire d’Annabel et je savais qu’elle avait tout compris.
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